Présentation
Le ciel tout là-haut, j’ai souvent rêvé de m’y envoler. Quelques fois j’y suis presqu’arrivé.
Recroquevillé sur le sol, je sens sous moi la terre froide et dure. Ça ne me dérange pas, j’ai l’habitude. Si je regarde un peu de côté, je vois ce foutu tesson de bouteille ! Il m’a lacéré le cuir, en surface, je me vide lentement. J’aurais souhaité qu’il pénètre profondément, avoir une fin rapide. Je ne crains pas la souffrance. Je suis couvert de plaies, couturé de cicatrices. Ils m’ont donné tant de coups de pieds. Je pensais : « Allez-y ! Frappez ! Frappez ! Défoulez-vous, je suis là pour ça ! »
Je n’apprécie pas ce long silence. Je préfère le cri des enfants quand je leur donne du plaisir. J’aime les enfants, surtout les plus petits, c’est dans ma nature. Je pense qu’ils m’aiment aussi, j’entends leur cœur qui bat quand ils me serrent contre eux ! Je frissonne quand ils passent les doigts sur mes balafres. On se roule dans l’herbe, à deux, à trois, à dix, je n’ai pas de limites. Ce sont eux qui décident !
Parfois, ils me ramenaient dans leur maison. Clandestinement. Ils me cachaient sous un lit ou au fond d’un garage. Je restais là, à leur disposition.
J’aurais voulu une autre vie, être reconnu, rouler ma bosse de par le monde mais le destin en a décidé autrement. Je vais rendre mon dernier souffle dans ce terrain vague. Abandonné et misérable.
Dans quelques semaines ou dans quelques mois, quelqu’un retrouvera ma pauvre carcasse. Je voudrais tant que ce soit un journaliste, qu’il publie ma photo et qu’en guise d’épitaphe il écrive : « La dernière victime du Covid-19 est un ballon de football ! »
Yvon d’Alvéole Théâtre